Voilà dix-huit ans que le réalisateur suit les Yéniches (communauté de gens du voyage originaires d’Europe centrale, vivant en France en Picardie) et les filme à travers la famille Dorkel. Après le « BM du Seigneur », il nous entraîne dans une équipée sauvage qui est aussi un accomplissement: la mort de Fred au volant de sa voiture et l’intégration par le baptême de son demi-frère Jason.
Après 15 ans passés en prison, Fred retrouve les siens mais les temps ont un peu changé: le clan s’est sédentarisé et aspire à la paix, faire des casses n’est plus un titre de gloire ni une raison de vivre. Fred, dont le modèle est son père, roi de la « choure » mort au volant de sa voiture, tente de « réveiller » les siens, particulièrement Jason et Moïse. Ils partent pour une nuit de fauche de cuivre qui se solde par un mort, l’échec de l’entreprise et une errance crépusculaire dans une banlieue qu’ils ne reconnaissent plus. Epopée à la fois sombre et burlesque…
Le film sidère car il nous montre une communauté dont les moeurs nous sont étrangères: parler une langue incompréhensible, soulever de la fonte à longueur de temps, manger des quantités effarantes de viande grillée, faire cohabiter les préceptes de l’église évangéliste et une certaine forme de rudesse, vivre toujours en groupe. Les personnages ne sont presque jamais isolés par la caméra mais toujours pris ensemble dans le plan, presque collés les uns aux autres. Progressivement, ils deviennent familiers et donc attachants. Fred n’est pas une brute mais un homme lucide qui reste fidèle à son idéal héroïque, sans pour autant engager le destin des autres. Jason cherche sa voie et finira par se faire baptiser, sous l’impulsion de Moïse et son cousin.
Cet univers dont la référence la plus stable sont les morts, puisque l’expression « Mes Morts » ponctue tous les discours, reste cependant assez surréaliste: si près et si loin, ces gens vivent à nos côtés, et nous n’en connaissons rien !
Catherine V.