Actualités — 01 mai 2014

Quel rapport entre le groupe languedocien Du Bartàs et l’Union européenne, me direz-vous? Aucun a priori, si ce n’est la (prochaine?) ratification, par l’Etat français, de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires…

…L’occasion de questionner le groupe sur la relation délicate entre une nation et ses particularismes et sur l’attachement de millions de locuteurs – qu’ils soient Basques, Alsaciens, Flamands ou Occitans – pour la culture d’un territoire délimité par une façon de s’exprimer et de vivre. Né en 2001 dans le Minervois, Du Bartàs – Laurent, Abdel, Sylvain, Titouan, Jocelyn et Clément – colporte une musique voyageuse et chante la magie d’une langue. Et ce soir-là, ils ont attiré un public nombreux à Bagnères de Bigorre – Oc Partie, concert organisé par le Cartel Bigourdan à l’AlamZic. Preuve en est que tout le monde s’accorde sur ce point, la musique réussit là où les histoires divisent. (Photo Pixbynot)

Factotum: Pourquoi Du Bartàs? Une affection particulière pour le poète gascon?

Laurent (chant, acoordéon et percussions): Pas du tout, nous avons appris l’existence du poète après la création du groupe! Bartàs veut dire chez nous «broussaille», c’est un terme très employé dès lors que l’on sort d’un chemin, en balade.

Comment est né votre intérêt pour l’occitan?

Jocelyn (chant, cuatro): Nous aimons les musiques populaires du monde entier, et nous nous sommes demandés quelle était la culture qui était sous nos pieds. S’est alors posée la question de la langue, l’occitan, qui est une langue à part entière. Nous avons décidé de nous réunir à cinq pour fabriquer une musique de chez nous, mêlée aux influences méditerranéennes.

Laurent: Nous avons cinq histoires différentes dans notre rapport à la langue. Clément a grandi en Provence et ses parents savent parler l’occitan, Titouan a grandi dans le Minervois avec des parents néo-ruraux et a commencé à le parler à l’apéro avec des étudiants en occitan à la fac de Montpellier. Jocelyn est né ici et apprit la langue en même temps qu’il apprit à chanter, Abdel est d’une famille marocaine, né à Narbonne et curieux de découvrir la culture occitane. Quant à moi, j’ai entendu ma grand-mère parler mais il a fallu que j’entame toute une démarche de réapprentissage. Et en prenant de l’expérience, en croisant des musiques et en rencontrant des occitanistes, une question pointe régulièrement: nous aurait-on caché quelque chose?

Vos concerts attirent un public de tout âge, mais quelle est la réaction des plus anciens quand vous leur dites que vous chantez en occitan?

Titouan (chant, tambourito): Personnellement, je n’ai jamais observé de réaction «type»de la part de personnes dont l’occitan est la langue maternelle. Par contre, il y une réaction quand on va vers elles en parlant l’occitan. Elles nous disent alors qu’elles ne parlent pas occitan… mais patois. On leur a foutu dans le crâne que c’était du patois – patois veut dire «à qui il manque une patte» – les plus âgés ont donc l’impression de parler un dialecte, et non une langue à part entière… c’est très étonnant.

Laurent: J’ai une autre vision après avoir fait du collectage, auprès des anciens des pays audois. J’ai vu des gens «retrouver» la parole, une vraie parole… j’ai vraiment la sensation qu’on leur a «arraché» la langue. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m’ont dit: mais moi, j’ai appris le français à 6 ans en allant à l’école! Il y a en France des millions de personnes ayant vécu la même horreur, il s’agit là d’un véritable traumatisme collectif, dont on ne pourra jamais évaluer l’impact.

Pourquoi, au regard des autres pays européens, un tel retard de la France dans la reconnaissance des langues minoritaires?

Titouan: Le seul fait de les appeler «minoritaires» renvoie au centralisme parisien et à l’histoire française. Ces langues ont été minorisée, ce n’est pas la même chose.

Laurent: Le nationalisme français est vraiment très fort, avec toute la mythologie qui va avec, ses «2000» ans d’histoire. Mais 2000 ans d’histoire de quoi? Aux dernières élections présidentielles, j’ai constaté qu’il n’y avait pas un seul candidat, y compris chez les Verts, qui ne puisse s’empêcher de clamer toute la gloire de la France… la République, une et indivisible.

Jocelyn: Le France existe au moins depuis François 1er et les peuples occitanophones font partie culturellement et politiquement de cet Etat, c’est aussi notre héritage. Avec Du Bartàs, on ne l’occulte pas et le français est notre langue maternelle. Quant à l’Europe… nous avons une chanson pour illustrer le fait que le petit se fasse- ou se laisse – manger par le plus gros. Et politiquement, on est dans ce mouvement: des petites cultures qui se font manger par un Etat, et un Etat qui se fait absorber par un continent, etc..On s’amuse à le chanter, en regardant les choses depuis chez nous.

Titouan: L’Europe me fait doucement rire. Maintenant, on est Européen, mais je me sens plus proche du Maroc… que de la Norvège. Après le nationalisme français, on est sur le supra-nationalisme européen, qui n’a, jusqu’à présent, jamais réglé le problème autour des langues de chez nous… au contraire.

La langue occitane évoule-t-elle?

Rires… et rires…

Laurent: Bien sûr, comme toutes les langues vivantes! Il y a un Conseil de la langue occitane, qui valide les mots nouveaux, des écoles occitanes – les Calandretas – et des classes d’occitan dans l’enseignement public. C’est une langue en «reconquête», avec un souci d’apprentissage… et donc de normalisation. Malheureusement, quand on gagne en compréhension mutuelle, on perd en musicalité et en couleurs.

Interview à retrouver dans notre prochaine édition et dossier spécial Européennes

Retrouvez Du Bartas et son nouvel album Tant que vira… sur:

www.sirventes.com

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pierre

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