C O M R A D E S (1886) de B I LL DOUGLAS.
Le distributeur UFO, qui a permis l’an dernier la découverte de « La trilogie Bill Douglas », une autobiographie réalisée entre 1972 et 1978, renouvelle la surprise avec « Comrades », une fresque historique qui relate la révolte de paysans à Tolpuddle en 1834. La répression fut jugée si injuste (les meneurs furent envoyés au bagne en Australie) que l’opinion s’en empara et que dès lors, on parla des « martyrs de Tolpuddle ». Cette mobilisation fut telle qu’ils revinrent en Angleterre deux ans plus tard.
Bill Douglas se tient au plus près des faits tels qu’ils ont été transmis. Pour autant, il ne nous livre pas une fresque historique académique : il mélange les styles, passant des scènes réalistes, parfois très crues, aux vastes scènes épiques. Le lyrisme peut succéder au burlesque, la violence à la douceur. La caméra sert ces objectifs, tantôt embrassant des paysages superbes, que ce soit en Angleterre ou en Australie, tantôt se trouvant au plus près des visages dont elle montre la profondeur et la beauté. Quant à la bande son, alternant bruits réels et musique celtique, elle nourrit le film de poésie et de réalisme. Nul pathos mais la vie, dans sa réalité diverse. Bill Douglas, comme dans sa trilogie, rend hommage aux gens humbles : exploités, ils ne perdent rien de leur courage et de leur foi en la justice. Méprisés, ils n’en sont pas moins dignes et généreux.. En fondant une organisation pour lutter contre l’exploitation des propriétaires, les six personnages principaux ont la vision de ce que seront plus tard les luttes syndicales. Un film, donc, résolument engagé. Simple et puissant.
L’autre versant du film concerne le cinéma lui-même. Dès le début, survient dans le village de Tolpuddle un saltimbanque et sa lanterne magique : l’ancêtre de l’image animée. A un moment, George Loveless, un des laboureurs, lui conseille en riant de fonder le syndicat des lanternistes. Tout au long du film, on voit la technique s’améliorer, le public se passionner et la réflexion circuler, grâce à des images qui parlent de l’actualité. Ce n’est pas le moins bouleversant du film : le cinéma au service de l’émancipation des peuples !
Un film splendide, exemplaire.
Catherine V.