Quelques jours après la sortie nationale de La Cour de Babel, Julie Bertucelli était au Parvis pour présenter son film. Anabelle et Caroline – toutes les deux sont lycéennes à Bagnères de Bigorre (65) et présentent l’option audiovisuel au bac – ont rencontré une femme disponible, dont le regard particulier n’a de cesse de raconter les autres.
Anabelle: Combien de temps avez-vous eu pour réaliser La Cour de Babel?
Julie Bertucelli: Faire un film prend du temps… L’idée m’est venue en juin 2011, en rencontrant Brigitte Cervoni, enseignante en classe d’accueil – une prof formidable! – au cours d’un festival du film scolaire, dont j’étais la présidente. J’ai découvert le dispositif des classes d’accueil et j’ai eu très envie de passer une année scolaire avec des enfants représentant 25 pays différents, le monde entier dans une seule classe! En septembre, j’ai fait le repérage, rencontré les jeunes, reçu l’autorisation de leurs parents pour filmer. J’ai commencé le montage avant la fin du tournage, qui a duré 8 mois. Ensuite, il a fallu trouver l’argent… le financement a été refusé par toutes les chaines de TV et c’est Pyramide qui a coproduit le film pour sa sortie en salles – il passera sur Arte dans deux ans. Enfin, il a fallu décider du bon moment pour sa sortie et à présent, je l’accompagne partout en France pour le présenter au public. Le temps du documentaire est très précieux. Je suis allée deux fois par semaine dans cette classe d’accueil pour le tournage, j’ai laissé les choses venir, c’est un regard particulier. Je ne voulais pas faire un film informatif, mais laisser au spectateur toute liberté de l’interpréter.
Caroline: Comment êtes-vous devenue réalisatrice?
Il n’y a pas de parcours type, mais des manières différentes de réussir à vivre de sa passion… je n’ai jamais fait d’école de cinéma! J’avais la chance d’avoir un père réalisateur, j’avais forcément un pied dedans et je voyais beaucoup de films. Je n’étais pas non plus dans le fantasme total, car en accompagnant mon père sur certains tournages, je me suis rendue compte que c’était un métier très prenant. J’adorais la philo et cette réflexion me nourrissait. J’ai fait hypokhâgne et khâgne et obtenu une maîtrise de philosophie… des études difficiles, mais qui m’ont appris à travailler, à gagner en efficacité. Je ne suis pas passée par le grande porte d’une école de cinéma et j’avais envie de travailler. J’ai fait des stages, des choses très différentes, et suis devenue assistante à la réalisation auprès de gens formidables: Otar Iosseliani, Bertrand Tavernier, Krzystof Kielowski… J’ai découvert le documentaire, redécouvert le monde, j’étais jeune et curieuse. J’ai commencé à gagner ma vie avec les documentaires et j’ai réalisé ma première fiction., qui est davantage de l’ordre de l’intime et du vécu personnel. Il n’y a pas de parcours clairement défini; que l’on soit réalisateur, comédien, écrivian, monteur ou journaliste… le tout est de trouver son moyen d’expression.
Comment expliquer le succès de La Cour de Babel?
Je ne sais pas… le film est peut-être sorti au bon moment, c’est un sujet qui touche dans un contexte social particulier et de discours nauséabonds sur l’immigration. Peut-être aussi pace que La Cour deBabel est un film engagé, mais qui laisse vivre les sentiments. Il offre un autre regard sur l’école et ses enseignants. L’Education nationale a ses limites mais ce dispositif doit être préservé, car il met en valeur les différences.
Quels conseils nous donnez-vous pour réussir nos études dans le cinéma?
N’essayez pas de faire comme les autres, soyez vous-mêmes. Suivez vos intuitions et écoutez les conseils quand ils vous semblent judicieux. Faites des choix qui vous ressemblent, soyez cohérentes aves vous-mêmes. Ensuite, soyez curieuses: allez au cinéma, au théâtre, allez voir des expos, laissez-vous le temps d’aiguiser votre regard, au lieu de vous laisser submerger par des modèles imposés.