« J’ai commencé avec cet horizon ! Avec ces monts solitaires et massifs, qui brassent au sud quelque chose d’ibérique dans leur solitude. […] Je me sens voué à ce pays comme un moine à sa règle. Sachant que nul autre endroit au monde ne serait pour moi porteur d’une telle plénitude… » C’est en ces termes, très fine déclaration aux accents russelliens, que le photographe Michel Dieuzaide introduit son dernier ouvrage. « … de la maison » est un livre qui sort des sentiers battus, car d’une spontanéité étonnante dans la photo, sans superflu ni tricherie numérique. Il y détaille, de sa maison, les saisons vues du piémont pyrénéen et rappelle son attachement pour un pays.
Michel Dieuzaide, comment se présente l’ouvrage ?
Ce n’est pas un livre ordinaire avec photos sur papier glacé, mais un objet particulier, avec des pages à la japonaise et un côté souple, façon carnet de croquis. Sa forme a effrayé tous les éditeurs, sauf Danielle Thomas (éditions MonHelios à Pau), qui a foncé pour ce projet. J’ai voulu rendre hommage à ce paysage, que j’avais face à moi quand je venais passer des vacances dans les Hautes-Pyrénées, chez mes grands-parents. J’ai fait ma carrière en pensant que dès que j’en aurais la possibilité, j’achèterais une maison dans le piémont pyrénéen. J’ai acheté ma maison à Castelvielh en 1988 et je n’en changerais pour rien au monde, malgré mes déplacements. Le paysage n’est jamais le même, selon les saisons et le ciel, les effets de lumière sur le relief.
Regardez-vous de la même manière quand vous travaillez un film ?
La photo et le film sont deux choses très différentes, ce qui n’a rien à voir avec la différence entre image fixe ou animée. Faire un film, c’est construire une portion de temps, alors que la photo, c’est un moment voulu. C’est le temps qui fait leur différence et dans ce sens, faire un livre se rapproche un peu du cinéma, avec une émotion à faire passer entre deux pages.
Vous avez débuté votre carrière en réalisant, à la demande du Centre Beaubourg, des portraits filmés d’artistes peintres.…
C’est exact, j’ai filmé Pierre Soulages, Olivier Debray ou Pierre Tal-Coat, entre autres, grâce auxquels j’ai acquis ma renommée. Mon but était de comprendre pourquoi l’artiste était-il peintre… plutôt que banquier ou médecin, par exemple. Je mettais mes films au service du peintre et de son oeuvre. Ensuite, je me suis pris de passion pour l’Espagne, certainement influencé par mon enfance toulousaine (30000 réfugiés espagnols se sont installés à Toulouse…). J’ai entretenu une grande amitié avec Carlos Pradal, jusqu’à la fin de sa vie; c’est lui qui m’a ouvert les portes de l’Espagne.
Vous avez voyagé et photographie l’Afrique, l’Asie. Avez-vous un souvenir particulier ?
Non, si ce n’est celui du plaisir renouvelé à figer le temps, à faire une belle image… Je n’ai jamais aimé forcer les choses et je prends ce qui m’est donné. Le jour où je regarde mal, il ne se passe rien. Avec « ... de la maison« , j’ai travaillé avec la même éthique, en restant attentif à ce qui me « commandait » de faire chaque photo. Je n’ai fait que regarder… et appuyer.
… de la maison (des images sur la chaîne des Pyrénées, à toutes les saisons, dans toutes les lumières).
Editions MonHelios
La bio de Michel Dieuzaide
Fils du célèbre photographe Jean Dieuzaide et né à Tarbes, Michel Dieuzaide entama sa carrière derrière l’objectif comme préposé aux mariages et quitta le domicile familial à seulement 18 ans. En 1977, le Centre Beaubourg l’engagea pour de toutes autres missions: réaliser des portraits filmés d’artistes peintres et musiciens. L’expérience, d’abord fortuite, devint vite récurrente et Dieuzaide imposa son nom dans le monde du documentaire. Sa passion pour l’Espagne et particulièrement pour le flamenco conduit son appareil photo à reprendre du service. Plusieurs ouvrages, dont son Compas flamenco, retracent ses oeuvres. De 1996 à 2000, Michel Dieuzaide reprit la direction du Château d’eau, galerie photographique toulousaine, qui accueillit en 2009 Quand la lumière tient la plume, rétrospective consacrée à 30 ans de travail.